DUPONT-MORETTI, OMAR RADDAD, CHINON : le portrait chinois du bâtonnier LETERME

Avocats depuis 1994, Jean-Yves Leterme a revêtu l’habit de bâtonnier de Tours le 1er janvier. S’il prévoit de se faire plus rare dans le prétoire, il épouse sa nouvelle charge secondé d’Alexis LEPAGE.

Son nom sonne comme une référence à Chinon, où il s’est installé par opportunité à la fin des années 90. Au gré des audiences du tribunal d’instance local disparu, d’aucuns se souviennent l’avoir vu se lever et poser sa voix rauque sur un dossier. Jean-Yves Leterme est avocat depuis 1994.

Un homme de la campagne, comme il aime se présenter, qui n’élude pas les erreurs de parcours et de prétoire. Rugueux et délicat, le nouveau bâtonnier de Tours succède à Vincent Brault-Jamin, parce qu’il a senti « le temps venu » de porter haut la parole de sa profession.

Pendant deux ans, prévient-il, sa silhouette se fera rare dans les palais de justice. Pour se focaliser sur sa fonction, qu’il aborde accompagné de Me Alexis Lepage, son vice-bâtonnier rencontré il y a vingt-cinq ans. Portrait chinois

Avocat ou bâtonnier,

« Bâtonnier, pendant deux ans. La fonction prime : ma vie d’avocat, mon cabinet, sont mis entre parenthèses, je me suis préparé et organisé pour assumer cette fonction chronophage qui nécessite un investissement permanent. »

Rupture ou continuité ?

« Rupture dans la continuité. Nos prédécesseurs ont géré la crise sanitaire, nous aurons à gérer ses conséquences et la crise économique que nous craignons voir poindre. Avec de la casse au sein de la profession pour des cabinets fragilisés par le premier confinement notamment. »

Correctionnel ou assises ?

« Je n’ai plaidé que quarante-sept fois aux assises… Mais sans hésiter, je choisis leur décorum, le bois, le cuir, la solennité et la vision d’un système judiciaire qui a pour objectif d’assurer la paix sociale. Il n’y a, selon moi, pas meilleur moyen d’y parvenir qu’à l’aide d’un jury populaire. »

Droit pénal ou droit civil ?

« Civil. J’ai fait beaucoup de pénal au début de ma carrière. Et puis l’évolution de la clientèle a fait que, à bas bruit, mon terrain a glissé vers le droit de la famille, celui des contrats et des affaires… »

Votre modèle : Jacques Vergès ou Henri Leclerc ?

« Henri Leclerc [NDLR, pénaliste, conseil de Véronique Courjault, Dominique de Villepin, Dominique Strauss-Kahn…]. Il correspond à l’image que je me fais d’un bon avocat sérieux. Il est le talent sans l’esbroufe. »

Partie civile ou prévenu ?

« Prévenu, pour l’adrénaline. Tenter la relaxe, à défaut personnaliser la peine, pour trouver l’adéquation entre la juste répression des faits commis et la prise en compte de l’intérêt de la victime pour la satisfaction de l’ordre public. »

Une ville : Tours ou Chinon ?

« Chinon. C’est une ville et un territoire dans lesquels je me sens heureux : je ne suis pas un urbain mais fondamentalement rustique. Je me suis installé dans ce que je considère comme l’une des plus belles filles de France sans aucune attache, parce qu’il n’existait aucun cabinet sur place. Si c’était à refaire, je signerais des deux mains. »

Vous auriez préféré défendre Omar Raddad ou Christian Ranucci ?

« Omar Raddad pour le challenge. Il est accusé (puis condamné) du meurtre de Ghislaine Marchal, retrouvée morte en 1991 dans sa villa de Mougins avec l’inscription « Omar m’a tuer ». Cela a dû être compliqué de le défendre mais c’est un beau travail d’avocat. »

Si vous étiez un garde des sceaux, Dupont-Moretti ou Badinter ?

« Eric Dupont-Moretti. Il mérite une chance et c’est plutôt un bon signal que d’avoir nommé ce pénaliste au ministère. Il a une aura, une vision de la justice et une vraie énergie. Robert Badinter, lui, c’est une icône. »

 

Une plaidoirie marquante ?

« Un échec cuisant. En 2003, à Blois, je défendais un prévenu poursuivi pour avoir donné des coups de couteau à un grand-père et lui avoir extorqué ses codes bancaires. Les affaires marchaient bien, je me suis endormi sur mes lauriers et me suis retrouvé mortifié face à un dossier mal préparé. Un confrère, Jean-Claude Osty, a conclu ma plaidoirie. Depuis ce jour où j’ai pris une grande leçon d’humilité, je suis anxieux avant un procès. »

Julien Coquet

Texte sous photo : Jean-Yves Leterme (assis), bâtonnier de Tours depuis le 1er janvier. Il est secondé d’Alexis Lepage.