Les voyageurs rabelaisiens restent sur leur faim

 

Le délibéré de l’affaire d’escroquerie, qui avait fait grand bruit en Chinonais il y a une décennie, est rendu aujourd’hui. Trop tard pour des victimes résignées.

En janvier 2012, la responsable d’une agence de voyage de Chinon était placée en garde à vue après avoir été accusée d’avoir détourné l’argent de dizaines de voyageurs. A l’époque, l’affaire fait jaser dans la cité de Rabelais, où Jacqueline Landry est alors connue comme le loup blanc. Puis le néant. Pendant près de deux dix ans. L’affaire refait subitement surface devant le parquet de Tours en décembre dernier.

« Dix ans pour traiter une affaire pareille, franchement c’est délirant »

Mas, au fil des années, le soufflé est retombé (lire les explications de Me LETERME ci-dessous). Les 72 victimes de Jacqueline Landry n’attendent, pour la plupart , plus grand-chose de cette affaire qui n’a que trop végété. « Est-ce qu’on va toucher quelque chose ? Ce n’est pas sûr… Les assurances et les banques vont se servir avant nous », lâche Jean-Max Manceau. Le vigneron, président de la confrèrie des Entonneurs rabelaisiens, fait partie de la cinquantaine de victimes à s’être constitué partie civile. « Si on peut récupérer quelque chose, on sera très heureux parce que c’est un dû, mais je n’ai pas beaucoup d’espoir, soutient celui qui faisait une confiance aveugle en Jacqueline Landry, jusqu’à lui verser entre 5.000 et 6.000 € pour lancer sa toute fraîche activité oenotouristique. A l’époque, il fallait créer une SARL commerciale indépendante de ma société agricole, mais je n’avais pas d’agrément d’agence. Pour pouvoir vendre des produits, il fallait un agrément et la caution était énorme à l’époque, de l’ordre de 150.000 € dans mes souvenirs … »

L’agence des Voyageurs rabelaisiens devait alors servir d’intermédiaire. « Les clients qui venaient chez moi étaient envoyés chez elle et elle me remboursait. J’étais ainsi couvert au niveau juridique par rapport à ça », poursuit Jean-Max Manceau. « Sauf que l’argent que l’on devait recevoir de sa part en fin de saison estivale, on ne l’a jamais vu », lâche Julien Ayrault. Alors simple prestataire de Jean-Max Manceau, le batelier chinonais avait déboursé 1.600 € de sa poche.

« Même si ça m’avait mis en difficulté à l’époque parce que je commençais tout juste mon activité, d’autres ont eu un plus gros préjudice moral que moi », relativise Julien Ayrault.

« Ca m’a mis en difficulté forcément, j’avais investi dans mes chevaux , ma calèche, la création de ma société… On avait dû pomper sur nos fonds propres, mais pour certains, ce sont des mois voire des années sacrifice pour payer un voyage qu’ils n’ont pas pu faire », soutient Jean-Max Manceau. Comme ce Chinonais qui avait envisagé un voyage à New-York avec une dizaine de proches et dont le rêve s’est transformé en cauchemar. « Est-ce qu’on a digéré cette affaire ? Oui et non… On a perdu des plumes dans cette histoire, mais on n’attend même plus grand-chose du Jugement », lâche celui qui n’a pas souhaité voir son nom rattaché à ce fait divers.

« J’ai bien ri quand j’ai reçu le courrier, parce que j’avais oublié… Ils sont gonflés ! Dix ans pour traiter une affaire pareille, franchement c’est délirant », lâche aussi une victime sous couvert d’anonymat. D’autres comme eux – lassés par une affaire qu’ils avaient oubliée avec le temps ou que, justement, ce dernier n’était pas parvenu à gommer -, n’ont pas voulu s’étendre sur le sujet, préférant laisser parler la justice. Enfin…

 

                                                                                                                      Malo Richard

Texte sous photo : L’Agence était située à côté des caves painctes, à Chinon, jusqu’à sa liquidation début 2012

… « C’est une femme honnête »

Avocat de la défense dans cette affaire, Jean-Yves Leterme met en avant la succession de pas moins de trois juges d’instruction sur le dossier, avec des vacances de poste, pour expliquer sa longétivité. « Et puis, nous ne sommes pas sur un crime de sang, ce n’est pas prioritaire. Mais on est très au-delà du délai normal de traitement d’un dossier d’escroquerie. »

Pourtant, bien que l’affaire ait traîné en longueur, sa cliente aura attendu près de dix ans et la tenue du jugement devant le parquet pour se mettre dans de nouvelles dispositions et reconnaître les faits. « Elle était ambivalente, coupe Me Jean-Yves Leterme, tout en tentant de relativiser les actes de sa cliente, en les comparant à ceux de Sylviane Gigi, la Madoff du Chinonais, condamnée fin 2018 à trois ans de prison ferme pour avoir escroqué une cinquantaine de personnes sur près de 4,5 millions d’euros, dans les environs de Benais. Concernant ma cliente, on est sur un préjudice avoisinant les 200.000 € et elle est en banqueroute. Il n’y a pas d’enrichissement personnel. »

« Elle a l’impression d’avoir raté sa vie »

Celui qui est devenu bâtonnier de Tours depuis le 1er janvier ne peut néanmoins qu’admettre que sa cliente a été complétement dépassée par les événements. « Elle a fini par mettre la main dans le pot de confiture », lâche celui qui connaissait déjà personnellement Jacqueline Landry, bien avant l’affaire des Voyageurs rabelaisiens. Aujourd’hui, il décrit malgré tout une femme profondément meurtrie, toujours sur Chinon mais rongée par la maladie. « C’est une femme honnête. Elle a mené une vie de recluse ces dix dernières années. Après avoir quitté la scène sur une erreur, avec l’impression d’avoir raté sa vie. »